Les pêcheurs à la mouche le constatent tous : ceux qui t’écoutent s’intéressent quand tu relate un souvenir de pêche à la mouche alors qu’ils sont plus distants et restent froids à l’évocation de tes pêches à la vermée (pelote de gros vers enfilés sur de la laine, une superbe friandise à anguille) avec ton grand-père, ton gourou pêche initial.
La pêche à la mouche possède une aura extraordinaire. Tu l’as aussi entendu, ces béotiens, qui considèrent -à juste titre bien que ce soit un peu réducteur- la pêche à la mouche comme une saine et élégante activité pour hipster contemplatif se sont forgés un imaginaire sur notre déviance halieutique, je pense en grande partie grâce à notre film référence, le cultissime “Et au milieu coule une rivière (voir mon petit article sur ce moment-clé de naissance de l’économie de la pêche à la mouche dans l’Ouest Américain et en particulier dans le Montana).
Je vous parlerai plus précisément un jour de Peio avec qui je dînais la semaine passée dans un bistrot-institution de Saint Jean de Luz. Ses yeux s’illuminent quand nous échangeons sur la pêche au fouet. Surtout après 2 ou 3 Americanos. Il n’y connait rien -à la pêche à la mouche- , mais s’émerveille si je lui parle des truites aristocrates de la Henry’s Fork, des discrètes gobineuses de la Grande Nive, du castor de Eartquake lake, ou du montage d’une Artzamendi.
Je vous parlerai aussi un jour de Benjamin. Je le connais peu, et depuis peu. Benjamin a un profil de plus en plus fréquent chez nos coreligionnaires. Il vient du monde du surf. Il est du monde du surf. Il bosse dans ce monde, et pratique le surf, c’est une évidence. Il s’habille surf, doit certainement parler surf avec ses potes, surfer à Lafit’ et peut-être … vivre un parfait amour avec … une surfeuse. Et bien le type, il vient de tomber dans la marmite de la pêche à la mouche. Coup de foudre. Cours avec Yvon, virées du soir quitte à se mettre sa copine à dos, textos réguliers sur mon 06 pour aller pêcher ensemble … Mordu le type. Mordu comme un transfuge. A renier la précédente pour mieux se consacrer et embrasser la suivante.
Du surf à la pêche à la mouche. Des activités si éloignées que ça ? Peut-être pas. Il y a quelques années, je me souviens d’une fin de soirée avec Iker. Iker est patron d’une boite travaillant dans l’univers du snow, et s’investit dans ce monde de la glisse. Il y baigne. Iker était venu diner avec un de ses potes, snowboarder-champion et pêcheur à la mouche, qui m’expliqua qu’à Calgary dans le Nord-Ouest américain, haut-lieu du snow, beaucoup de riders occupent les nombreuses journées d’attente des bonnes conditions de neige … je vous le donne en mille … à pécher à la mouche sur la Bow river. Ah au fait, Iker s’est aussi lancé dans la pêche à la mouche ! Un autre s’y est lancé il y a quelques années déjà, free rider de son état -le Montana- mais aussi pêcheur à la mouche, adepte de la Madison river. Place à John Spriggs le rider rasta du flyfishing …
Nous qui pêchons au fouet ne sommes pas surpris qu’ils y prennent du plaisir. Cette activité vide l’esprit, permet de se confronter à soi-même, de se mettre en symbiose avec le milieu, d’être concentré dessus, d’essayer d’être plus fort que la nature …d’être seul contre, entre, au milieu d’elle.
Un surfeur, un snowboarder ne ferait-il pas non plus une liste similaire pour décrire sa passion ? Il y ajouterait la sensation de la glisse … sensation que tout moucheur perçoit avec sa soie. Pas surprenant que ça leur plaise la pêche à la mouche.
In fine, la pêche à la mouche, un peu comme le surf et plus généralement la glisse, c’est hype, ça plait, … c’est devenu cool. C’est une pêche dont on peut se revendiquer dans les salons chics comme au bistrot du coin. Bien ? … Mal ? je ne sais pas. J’avais coutume de dire qu’on doit suivre un cursus avant de se lancer dans la pêche à la mouche … que commencer la pêche à la ligne par la mouche avait un coté un peu “usurpateur”. Conneries ! Benjamin est-il un usurpateur ? Evidemment que non Fred !! Vieux pêcheur snobinard !!
Je n’ai parlé que de la pêche à la mouche, soit. Mais au registre des pêches avouables, j’ai l’impression qu’il n’y a pas foule. La pêche au gros, ça peut le faire. Le lancer … on va dire imaginaire neutre. Par contre, le gardon à l’asticot ou la truite à la mouche naturelle … affinité à garder pour toi lors d’une soirée Meetic…
En conclusion, si Robert Redfort pouvait nous faire une suite où Brad Pitt jouerait le rôle d’un expert de la carpe à la patate, de l’ablette au mystic, de la morue au jig ou du chevesne à la volante … ça aiderait.
Et toi tu en penses quoi de tout ça ?