Le coup du soir va se faire petit à petit
Entre Louhossoa et Bidarray, spot secret. Le coup du soir promet : beaucoup d’insectes sur l’eau : énormes mouches de mai, éphémères beiges, sedges de toutes tailles. De nombreuses exuvies dérivent,
Les truites ont de nombreuses tapas et pinchos à leur disposition. Il va falloir faire dans le réaliste, cultiver le naturel, en bref, proposer du vrai ! L’eau est claire, et basse (0,6 sur Vigicrue), le temps est dégagé, mais calme. Arrivé sur l’aval du beat, rien. Il est un peu plus de 19h.
Encore plus de 3 heures, ça va se faire petit à petit ce soir …
Aval du beat …
…. rien. Trop dégagé, je reviendrai plus tard dans la soirée. Un peu plus haut, sous les marronniers, quelques poissons travaillent encore. Très dur de les approcher. J’essaierai sans conviction un ou deux lancers arbalètes… Elles ont du me voir car elles ne gobent plus. Je n’ai pas la patience d’attendre, autant aller voir plus haut. J’arrive sur le rocher. Fameux gros rocher. Un bon Dispositif Concentrateur de Poissons. Le niveau étant très bas, les truites commencent à bien s’écarter des bordures, et sont moins présentes à proximité des berges. Une pourtant gobine régulièrement sur un coin diabolique. Elle est située 3/4 aval d’un rocher, et gobe les mouches dérivantes dans un petit espace très calme, où l’erreur de présentation est fatale. Je lui fais passer 20 fois une mouche. Mais pas la bonne, ou pas où il faut. J’essaierai bien 4 mouches sèches différentes, de petites mouches.
Sacré mouche la peute !
La quatrième sera la bonne : une peute. Sacré mouche la peute. Je les monte en 14, 16 ou 18. J’essaie avec une peute donc, en 16. Et la truite montera. Pas au premier posé, car les courants qui environnent le rocher où se situe ma truite, ne la feront pas passer là où il faut : à 5 cm du rocher. Mais à force de persévérance et de discrétion, elle montera donc. Un combat très lourd, puis une fuite vers moi, vers l’aval. Je reprends contact. Elle est à ma verticale, le long du rocher. Et ce qui devait arriver arrive : la pointe de flurorocarbone frotte la roche aiguisée et rompt. Casse instantanée ! MERDE ! Un poisson estimé à 40 au moins au vu de sa défense. Peut-être plus.
J’arrive sur mon coin fétiche.
3 poissons sont installés … comme d’hab’. Je glisse discrètement pour solliciter le premier. Il est sur la bordure, je me situe un peu travers aval, à 6 m de la berge. Discrètement ais-je écrit … pas assez : il ne gobe plus. Je sais qu’il est très dur à faire mordre. Bon, encore deux poissons actifs. Autant laisser tomber celui-là pour les deux autres. Surtout celui plein amont. Je l’ai repéré depuis longtemps, mais les niveaux supérieurs à 0,6 empêchent de l’attaquer. Aujourd’hui, c’est faisable. Galère, mais faisable.
Bref, j’ai le deuxième poisson à attaquer avant de faire le dernier. Je lui ferai passer une mouche sans trop m’appliquer, et les veines de courant démoniaques à cet endroit feront le reste : le poisson a détecté le piège et ne gobe plus. Certainement calé. J’ai l’habitude, il faut être patient sur ces poissons. Je n’ai pas envie de dispenser ma patience sur celui-là , mais sur l’autre en amont. Un coup que je n’ai jamais tenté.
Mon plus beau coup de ligne !
Le poisson est collé à un amas de branches d’un arbre tombé dans l’axe de la Nive, futaie vers l’aval. De grosses bouffées de courant lui apportent tapas et pinchos de façon irrégulière. Il se tient perpendiculairement aux branches et ne s’écarte pas à plus d’1 m des branches. Comment faire ? Partisan du feeling et de l’apprentissage sur le tas, je comprendrai vite (après avoir laissé 2 mouches dans les branches), que je ne dois pas poser n’importe quand. Poser quoi au fait ? Une émergente de sedge en CDC sur hameçon de 18 fera l’affaire. Un corps en faisan, et un loop de CDC, avec la pointe rabattue sur le loop, pour faire des ailes. Malgré les branches, je reste en 10,7/100e, pointe de 2 brasses pour assurer un posé et une dérive la plus naturelle. Quelle tactique donc ? Assez simple en fait, à condition d’y avoir réfléchi. Il faut attendre une “bouffée de courant”, se préparer à poser, et poser effectivement quand la bouffée se calme, pour bénéficier d’un courant minimal qui doit amener doucement ma mouche dans le cone de vision de ma truite-cible. Le courant doit emporter la mouche suffisamment doucement pour que la truite ait le temps de la repérer, de se déplacer, et de la gober avant que la mouche ne disparaisse dans le dédale de branches, pour y rester irrémédiablement. YAPUKA ! Sur un tel poste, j’attends une truite-record. Généralement, plus le coin est dur, plus le poisson est beau, car moins sollicité.
Pour ma part, je suis plein aval (je ne peus pas mieux), de l’eau 10 cm sous les aisselles, le gilet ORVIS trempé jusqu’à moitié, presque sur la pointe des pieds sur des rochers glissants, et gêné par une branche baignante derrière mon dos qui s’accroche dans mon épuisette et qui accroche régulièrement ma soie et mon bas de ligne.
Pas confortable, mais efficace ! Après avoir compris comment faire pour faire monter la truite sur ma mouche, il me faudra quand même plusieurs tentatives, avortées (lancer arrière anticipé pour interrompre un lancer avant qui promet un mauvais posé), ou infructueuses par posé trop raide, mouche dérivant trop aval … Mais sur un lancer, soudainement, je sens que tout y est : la bouffée de courant se calme, je suis bien concentré, je viens d’amorcer mon lancer avant, j’amortis bien la boucle pour casser le posé et avoir un posé “en tas ordonné” de ma pointe. La mouche se pose. Les portions de secondes comptent pour des jours. La mouche va faire 50 cm avant de disparaître dans les branches. 50 cm pour se faire gober. Combien de temps ? 2 secondes à tout casser ?
A mi-chemin la truite gobera doucement ma mouche. Ferrage dans le tempo. Je bascule immédiatement ma canne pour sortir le poisson des branches? ça passe ou ça casse, autant que je décide ! Et ma pointe tiendra le coup. La truite explose à la surface et rebondit au milieu de la Nive. Elle fuse maintenant sous l’eau, me fonce dessus, repart, ressaute, me revient dessus. La raquette est prête et claire de toute branche. La truite viendra assez facilement dedans. Elle n’est pas énorme, mais fait quand même ses 40 cm.
La norme en ce moment. Je suis un peu déçu, c’est un poste à très grosse. Ce beat m’a déjà vallu de plus gros poissons. Non, pas déçu. Je suis hyper content. Je réalise que c’est un de mes plus beau, probablement le plus beau coup de ligne. Pas le plus gros poisson, mais peut-être le plus dà»r à faire. Comme quoi, il faut essayer, même si ça doit prendre 1/2 heure, on peut y arriver. Patience et observation, sont les deux mamelles …..
Bon, allons voir en aval …
Je retourne en aval. A mi-chemin, quelques truites gobent plein courant. Quelle tentation ! Je me place en aval. J’attends un peu pour bien identifier leur position. Elle ressort. Ok, ça devrait le faire. Je lui pose un sedge en cul de bécasse. Bien entendu, elle gobe. Facile sur ce style de poste quand les truites sont suractives à gober tout ce qui passe. Un poisson plus modeste de 33 cm. Il repartira promptement chez lui.
Fin du coup du soir sur le plein aval du beat
Je finirai ma partie sur l’aval du beat. Mise à l’eau à travers des buissons. La pénombre pousse à la discrétion. Heureusement car une truite est installée 2 mètres en amont de ma mise à l’eau. Elle ne m’a pas cerné. Je me recule vers l’aval, histoire de pouvoir lui lancer une mouche. Trop près, très dà»r de faire une bonne présentation et de faire monter une truite. Ce sera dà»r et laborieux, mais au bout d’une vingtaine de posés foireux, j’arrive à lui poser un sedge en cul de bécasse comme il faut. Gobage. Elle fera un beau ramdam, mais se rendra à l’épuisette. Un poisson de 38.
Il est tard, il fait nuit. Tout est calme. Il est temps d’arrêter et de rentrer.